Portrait

Virginie Ambougou, l’une des deux rares premières femmes députées du Gabon

Virginie Ambougou, l’une des deux rares premières femmes députées du Gabon
Virginie Ambougou, l’une des deux rares premières femmes députées du Gabon © 2021 D.R./Info241

Bien avant que plusieurs pays africains n’accèdent à la souveraineté internationale, la sphère politique africaine n’était composée que de très peu de femmes, voire quasiment pas selon les régions. La gente féminine était reléguée aux seuls travaux domestiques ou champêtres mais aussi à l’éducation des enfants. Par ailleurs, dans les sociétés traditionnelles africaines, certaines privilégiées en raison de leurs rangs sociaux ou de leurs âges, occupaient des fonctions importantes (conseillères, cheffesses ou encore reines) et des places de choix dans l’organisation de l’environnement rural et bénéficiaient donc d’un pouvoir de décision de poids.

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Au Gabon, l’un des anciens territoires français d’Afrique, l’évolution de la place de la femme dans la vie politique n’est pas le fruit d’un combat féministe mais plutôt la volonté avouée des dirigeants autochtones afin de s’aligner dans le concert des nations car sur le plan international, la considération et l’amélioration des droits de la femme était un indicateur probant d’une réelle démocratie. Dans ce petit pays d’Afrique centrale, la promotion de la femme s’est faite dès 1956 et plusieurs femmes ont dès lors, commencé à participer activement à la vie politique gabonaise jusqu’à se retrouver dès les premières années d’indépendance, membres d’institutions dont le parlement. Ce fut le cas de Virginie Ambougou (1902-1992).

 Présentation générale

C’est au début du siècle dernier précisément en 1902 que vient au monde Virginie Ambougou. Sa naissance a eu lieu à la Pointe Denis, cap situé à l’Est de l’estuaire du fleuve Komo et se trouvant en face de Libreville, capitale de la république gabonaise. Fille d’un haut dignitaire de la communauté Mpongwè habitant du côté de la rive droite du Komo du nom de Tito Ongonwou, sa mère Marie-Anne Rapontchombo, était quant à elle une princesse Mpongwè affiliée au clan Assiga ; ce clan serait l’un des plus anciens de la communauté Mpongwè et occupait la rive gauche. Virginie Ambougou a été mère à neuf reprises.

 Rang social et influence

Lorsque fut venu le temps pour Virginie Ambougou de prendre les rênes de la chefferie du clan de sa mère, elle porta le nom de « Oga », souverain élu ou héréditaire, car elle représentait directement la descendance du célèbre roi Mpongwè « le roi Denis Rapontchombo » dont le patronyme véritable était Antchuwè Kowè Rapontchombo fils du souverain Re-Mboko. Elle était logiquement très encrée, de par son statut social, dans le culte des ancêtres et détentrice d’une légitimité tradi-culturelle que lui procurait son sang royal.

Comme dans plusieurs sociétés secrètes africaines à variante ethnique, celle des Assiga possède ses propres rites et croyances et Virginie Ambougou devait s’y accommoder notamment dans le port des attributs qui la différenciaient des autres membres de sa tribu. Sage et respectueuse, elle prit la succession du « trône » sans trop grande contestation surtout qu’elle était beaucoup à l’écoute des anciens mais aussi des revendications et appréhensions des populations qui n’hésitaient pas à la consulter pour trouver des voies de sortie de crise.

Virginie Ambougou, qui était la cheffe des Assiga, possédait un ascendant spirituel et une autorité ancestrale d’une considération transfrontalière. L’Afrique étant profondément animiste et respectueuse du sacré, chaque dépositaire du pouvoir traditionnel a une importance capitale auprès des civils et même des autorités administratives et politiques d’un pays. C’est ainsi qu’était considérée Virginie Ambougou déjà que sur un plan historique, c’est son ascendant « le roi Denis » qui avait signé l’un des premiers traités avec les colons même si d’aucuns affirment que ce fut ledit roi qui fut l’un des instigateurs de la colonisation au Gabon.

D’autres estiment que ce fut un mal pour un bien car « l’évolution » apportée par le blanc a fortement caractérisé le statut de l’homme africain dans son développement personnel et celui de sa société. Quoi qu’il en soit, Virginie Ambougou était adulé par bon nombre de ses congénères car son humilité et sa proximité charmaient et sa perspicacité notamment dans son activité professionnelle lui valaient quantité de louanges.

 Activité principale

Bénéficiant des nombreuses terres de ses consanguins décédés, Virginie Ambougou comme beaucoup de Mpongwè d’autres clans ou tribus pratiquait l’agriculture. Elle aimait par-dessus cultiver. Historiquement, les Mpongwè n’avaient pas en leur possession de gros bétail encore moins des bêtes de somme ou de trait mais plutôt du menu bétail ou encore de la volaille mais ils avaient une affection toute particulière pour les activités agraires.

Virginie Ambougou était une Assiga pur-sang, elle adorait cultiver la terre pour la faire produire. C’était d’ailleurs sa profession et elle se réjouissant à la chérir et à l’entretenir, voulant moderniser la pratique de la chefferie sans contraintes protocolaires ; habituellement, le chef d’un clan ne pouvait pratiquer certaines activités ou encore bâtir lui-même sa richesse. Mais dame Ambougou décida d’être une femme d’affaires, travaillant dans ses plantations avec nombreux de ses « administrés ».

Peuple côtier, il a lieu de souligner que le Mpongwè sont aussi des adeptes des activités hallieutiques et Virginie Ambougou l’ayant compris, elle décida de revisiter les méthodes traditionnelles de pêche pour les rendre plus pratiques et inédites. Par ailleurs, Virginie Ambougou n’a pas été une cadre de l’administration coloniale locale mais c’était tout de même une femme « instruite » sachant lire et écrire. Chose normale pour une gabonaise de son rang social et sociétal. Les informations sur son instruction scolaire restent jusque-là inconnues du moins non révélées.

 Engagement politique

C’est en effet sous l’impulsion de la loi cadre-cadre « Gaston Deferre » (promulguée le 24 juin 1956 et adoptée le 26 juin 1956) que les femmes des colonies françaises d’Afrique notamment les femmes gabonaises voient leurs droits politiques être reconnus officiellement par les autorités coloniales qui proclame l’égalité des droits politiques pour tous les hommes et toutes les femmes âgées de 21 ans. Cette injonction de Paris est très vite mise en musique car dès cette date, plusieurs gabonaises rejoignent les rangs des différents partis politiques dirigés par des politiciens locaux à l’instar du l’Union sociale-démocrate gabonaise (USDG) de Jean-Hialire Aubame ou encore du Bloc démocratique gabonais (BDG) de Léon Mba et de Paul-Marie Indjendjet Gondjout. Virginie Ambougou, alors âgé de 54 ans, s’engage pour le compte du BDG et s’investit âprement pour sa formation politique. Le 12 février 1961, le Gabon organise ses premières élections législatives depuis qu’il est indépendant. Sous la houlette du président Léon Mba, une liste commune rassemblant les deux principaux partis du pays (USDG et BDG) dite de « l’Union nationale » est présentée.

Virginie Ambougou se présente sous la bannière de cette liste et remporte l’élection. Lors de sa compagne, elle s’attelle à promouvoir les bienfaits et la nécessité des coopératives agricoles ; une autre femme siègera comme elle à l’assemblée nationale gabonaise : Antoinette Tsono. C’est ainsi que Virginie Ambougou et Antoinette Tsono deviennent les premières femmes à siéger au parlement gabonais ; même si elles ne furent que deux sur les soixante-sept députés qui composaient le parlement.

Ce fut tout de même un signal fort envoyé à toutes les femmes de la nation pour leur laisser entrevoir un avenir radieux pour celles qui souhaitaient prendre part à l’organisation et à la construction de la cité ; notons que dans l’une des villes du pays, Port-Gentil, une femme assurait déjà la gestion de cette circonscription gabonaise depuis 1956 : il s’agit de la première mairesse de la ville de Port-Gentil, Madame Jeanne Valentine Piraube.

 Décès et distinction

C’est non loin de sa Pointe-Denis natal et au sein de la capitale gabonaise, Libreville, que s’éteint la souveraine Assiga Virginie Ambougou au cours du mois de mai 1992. Elle avait 90 ans.

Elle a été élevée au rang d’officier et de commandant de l’ordre de l’étoile équatoriale.

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