Portrait

Joseph Mboroukounda, premier athlète gabonais à prendre part aux Jeux Olympiques

Joseph Mboroukounda, premier athlète gabonais à prendre part aux Jeux Olympiques
Joseph Mboroukounda, premier athlète gabonais à prendre part aux Jeux Olympiques © 2021 D.R./Info241

Alors que le Gabon a timidement démarré sa marche vers le développement après avoir décroché son indépendance à coups de tractations et de combats politiques entre les acteurs administratifs locaux et les dirigeants français de l’époque, l’ascension du secteur sportif a longtemps accusé du retard et seules les compétitions de football étaient perceptibles en dépit des conflits inter-Etat issus de certaines rencontres de cette discipline dite du « sport roi ».

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Puis, d’autres activités sportives telles que la boxe ou l’athlétisme ont commencé à émerger et des adeptes de ces disciplines ont commencé à faire parler d’eux et ont fièrement représenté la nation « Gabon » jusqu’au niveau international. Un pugiliste gabonais du nom de Joe Mboroukounda, aujourd’hui disparu, a parfaitement été un acteur prépondérant dans l’expansion du sport gabonais en général et de la boxe en particulier. Retour sur la vie de ce digne fils et ambassadeur sportif gabonais, considéré par beaucoup comme la référence gabonaise du « noble art » et le meilleur boxeur gabonais de tous les temps.

 Naissance

C’est dans un village situé entre la province de l’Ogooué-Maritime et non loin de celle du Moyen-Ogooué, précisément dans la zone rurale d’Achouka appartenant au département de Bendjé, que vient au monde Joseph Mboroukounda affectueusement appelé Joe Mboroukounda.

Ce fut un 7 septembre 1938. Le village Achouka est d’autant plus réputé par sa lagune du nom de « Fernan Vaz » qui abrite l’une des plus vieilles missions catholiques, la mission « Sainte-Anne » dont la particularité est d’avoir été construite dans les ateliers de Alexandre Gustave Eiffel, ingénieur et entrepreneur français qui a la paternité de construction de la célébrissime tour qui porte son nom d’ailleurs « la Tour Eiffel ».

 Enfance et cursus

Joseph Mboroukounda n’a que huit ans lorsqu’il subit les importunassions de ces camarades plus âgés à l’école primaire du Fernan Vaz dans laquelle il est inscrit au début de ses études. Nous sommes en 1946. Ces railleries, vexations et humiliations sont aussi dues en partie aux difficultés qu’il a de parler « la langue du colon », lui dont les parents sont historiquement originaires du Sud du Gabon notamment des membres de la population « Eshira » (Gisira).

Malmené de toute part, le jeune Joe décide de se faire violence et de donner plus d’envergure physique à son corps afin de mettre au respect quiconque osera encore se payer sa tête. Il se met à soulever des poids pour développer son apparence et enrichir sa masse musculaire dans le but d’acquérir davantage de force et de gagner en puissance. Lui qui était fluet dès le départ devient une « armoire à glace » et parvient à obtenir la paix et l’appréhension de ses « adversaires », c’est durant ces années que notre jeune marigovéen s’éprend des sports de combat mais a une préférence pour la boxe.

Joseph Mboroukounda obtient son Certificat d’études primaires et élémentaires (CEPE) durant le mois de juin 1953 au sein de l’école catholique de Port-Gentil dans laquelle il s’était inscrit il n’y avait pas si longtemps pour parfaire sa formation après plusieurs années scolaires dans son Fernan Vaz natal. Par la suite, il est admis à l’école des Beaux-Arts de Brazzaville par voie de concours au cours de cette même année et passe une formation d’une durée de trois ans ; il faut dire que Joe avait opté pour une formation en arts plastiques car il en a toujours été passionné en plus de son amour pour la pédagogie et pour la boxe. Brazzaville est à l’époque la capitale de l’Afrique équatoriale française (AEF) et est donc logiquement mieux outillée et équipée pour former qualitativement les « élites » africaines de l’époque de cette région équatoriale d’Afrique qui a pour « propriétaire » la république française. En 1956, celui qui se fait dorénavant appeler Joe Mboroukounda en lieu et place de Joseph Mboroukounda y sort diplômé et regagne Libreville, la capitale administrative de son pays. Sieur Mboroukounda ira en Hexagone, bien après l’accession de son pays à la souveraineté internationale, se perfectionner dans les arts plastiques.

 Carrière professionnelle

Après l’obtention de son diplôme en arts plastiques au cours de l’année 1956, Joe Mboroukounda rentre sur Libreville et y enseigne comme professeur. Mais pour autant, notre pugiliste n’a jamais raccroché les gants et continue à s’entraîner au boxing club de Libreville. Il se fait remarquer par les autres puncheurs de la capitale et nul ne doute du potentiel de véritable boxeur de ce professeur d’école. Jusqu’en 1960, Joe Mboroukounda côtoie le « noble art » sans pour autant se faire réellement connaître du grand public.

A 22 ans, notre protagoniste est chauffé à bloc pour arpenter le tortueux chemin de la gloire que peut procurer le sport. Une occasion en or pour briller s’offre à lui lors d’un tournoi de boxe organisé à Antananarivo, capitale de Madagascar, lors de la rencontre de plusieurs chefs de gouvernement et/ou d’Etat d’Afrique équatoriale française en 1960. Il se fait remarquer par sa présence, son agilité et par la force de frappe qu’il manie à sa guise et selon ses adversaires. Lors dudit tournoi, notre athlète en sort victorieux terrassant les différents challengers qu’ils affrontent. Ce qui ravi le président gabonais de l’époque, Léon Mba, qui s’enorgueillit devant ses pairs africains.

Conscient de son talent et des qualités à améliorer qu’il possède en tant que puncheur, Joe Mboroukounda intensifie ses entraînements au boxing club de Libreville et se donne pour objectif de participer au championnat d’Afrique de boxe lors de la première édition des jeux africains prévue pour le mois de juillet 1965 ; il a la ferme intention de représenter dignement son pays en se hissant sur le podium.

Le travail abattu avec force et fracas s’avère payant quant à l’âge de 27 ans, Joe obtient la médaille de bronze de boxe anglaise en battant le congolais Kimbémbé dans la catégorie poids-plume desdits jeux africains organisés à Brazzaville et se déroulant du 18 au 25 juillet 1965. C’est le saint-graal pour Mboroukounda qui gagne en célébrité et en visibilité sur et en dehors du continent. Ce titre est d’une fierté indescriptible pour les amateurs et les férus gabonais de boxe. Par ailleurs, les non-initiés aussi savourent cette belle victoire qui est un miracle inattendu en ces temps où le Gabon ne possédait pas encore ou que très peu des professionnels et des structures qualitatives de boxe.

Voulant s’essayer à l’international et bénéficiant du soutien du président Léon Mba, Joe Mboroukounda atterrit en France pour accroître ses connaissances en arts plastiques mais aussi pour approfondir son expérience et peaufiner ses qualités de boxeur. Il intègre le boxing club « Marcel Cedran » de Marseille ; cette salle de gym est d’autant plus célèbre qu’elle fut inaugurée en 1945 par Marcel Cerdan lui-même, champion du monde de boxe français. Il conjugue ainsi sa vie d’étudiant en art et celle de boxeur. Ainsi, au sein du club « Marcel Cerdan », ses aptitudes physiques et cognitives lui valent plusieurs éloges et les dirigeants de ladite salle de boxe voient en Joe, un poulain prometteur et voué à un très bel avenir de boxeur.

Il entame avec ses équipes une tournée en Europe et ne sera jamais évincé. Les propriétaires du club veulent s’attacher les services de Joe sur le long terme et en faire un citoyen français de plein droit. Bien que le climat hexagonal composé de quatre saisons ne soient pas du goût de notre boxeur, c’est une tout autre raison qui fera revenir Joe Mboroukounda au Gabon : en effet, le président Léon Mba le sait courtiser et craint de le voir intégrer les rangs des équipes françaises de boxe. En 1967 soit deux ans après avoir rejoint la France, il l’ordonne de rentrer au pays. Chose que Joe s’empressa de faire.

 Retour au pays et suite de carrière

En 1967, Joe Mboroukounda est de retour au pays et poursuit ses fréquentations dans les clubs de boxe de Libreville pour continuer à se perfectionner, fort de l’expérience non négligeable engranger en France. Mais il continue aussi d’exercer son métier de professeur d’art plastiques, lui qui était spécialisé dans la peinture et la fresque. A cette époque, il est quasiment le seul à avoir le savoir dans cette discipline pédagogique, ce qui rend l’administration de l’époque dépendante de lui.

En 1972, Joe Mboroukounda est choisi pour être l’ambassadeur du Gabon aux jeux olympiques d’été organisés au sein de la République Fédérale d’Allemagne (RFA) comptant pour la 20ème olympiade de l’ère moderne. Il entre un peu plus dans l’histoire du Gabon en devenant le premier athlète et boxeur gabonais à participer aux Jeux. Evoluant toujours dans la catégorie poids-plume des -57 KG Hommes, Joe Mboroukounda finira 33ème de la compétition et sera logiquement éliminé au premier tour. Mais l’exploit est accompli : sa participation bien que décevante mais encourageante pour autant fera de lui, le pionnier des athlètes gabonais prenant part aux grandes compétitions sur le plan continental et international.

De retour au pays, Joe Mboroukounda est accueilli triomphalement par ses fans mais les autorités manquent à l’appel. Il faut souligner que depuis le décès du président Mba, le nouveau chef de l’Etat ne privilégiait pas le secteur du sport mais avait fait de la politique et du développement infrastructurel, ses principaux chevaux de bataille. Cette attitude heurta la sensibilité du champion qui préféra raccrocher les gants car le sport était l’un des grands oubliés de la vision d’expansion du pays par Bernard Bongo.

Joe Mboroukounda prend alors la décision de se consacrer à sa carrière de professeur d’école et de transmettre ses connaissances et son expérience de boxeur à d’autres suite à l’abandon des pugilistes gabonais par les autorités. Lorsqu’il prit sa retraite sportive en 1972 à l’âge de 34 ans, Joe mit en place son propre boxing club qui vit des jeunes en devenir y évoluer tels que Rémy Mackaya, Lucien Mitsoundi ou encore Jean-Paul Mackaya. Sur le plan académique, il occupera la fonction de directeur adjoint chargé de la manufacture à l’école nationale d’art et de manufacture de Libreville. Il travailla aussi au sein de la sélection nationale de boxe pour laquelle il fut sélectionneur pendant plus de cinq ans.

 Gong de fin

Retiré dans son domicile familial sis à Bellevue 2, quartier de Libreville, Joseph Mboroukounda y coulait des jours heureux au milieu des siens, vivant aussi de la pension retraite qu’il avait mérité de par son métier de professeur d’art. souffrant d’une paralysie de certains de ses membres avec un âge devenant de plus en plus un poids difficile à porter, Joseph dit Joe Mboroukounda est admis au Centre hospitalier universitaire de Libreville (CHUL). Il y expire son dernier souffle le 25 septembre 2017, 18 jours après avoir soufflé son 79ème anniversaire.
Il laisse derrière lui 17 enfants et une pléthore de petit-enfants et arrière-petits-enfants.

@info241.com
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